"Ce blog nait humble, pauvre. Et son ambition
est de le rester : pauvre de moyens, mais riche de contenus et d’échanges.
Inspiré par l’œuvre et la figure de Manuel Vázquez Montalbán, modèle d’éclectisme
érudit – à l’opposé, toutefois, de l’aristocratie intellectuelle propre aux Illuminati, qui décident du sort du
monde. Exemple aussi d’engagement, politique et journalistique, avec la tâche
colossale de rendre, contre modes et marées, sa dignité à la culture populaire :
du puchero[1]
au football, des proverbes à la nuit des bonneteurs et des dealers, de la
brillantine au cinéma matinal, du macho congénital à l’odeur de cendre froide
des œuvres littéraires universelles, du « Cara al Sol »[2]
au groupe de presse PRISA, de « L’Internationale » au Pacte de la
Moncloa[3],
de la pose au désenchantement, des murs d’une cellule à la décoration
d’intérieurs[4]. Sans oublier sa vision de la
ville, authentique et chaotique creuset de personnages authentiques, brillamment
dépeinte dans la série des Carvalho. Déférence également à sa critique
littéraire et sociale, d’autant plus mordante qu'indissociable,
particulièrement juste dans sa dénonciation de l’olympisation (ce que nous
appelons aujourd’hui la « gentrification ») d’une Barcelone qui a mis
son être à l’égout, étouffé la palpitation citadine qui la fondait, pour devenir
« la plus grande boutique du monde »[5].
Bref, pour citer un ami, Vázquez
Montalbán a tout d’un « vertueux
débris ». Débris que nous utiliserons comme boussole ivre.
Où allons-nous ? Nulle part. Nous voulons
rester ici, avec les nôtres. Nous voulons que tout ce que nous partageons –
nous qui ne survolons pas la vie des autres –, ce qui appartient à tous, passe
au premier plan. Nous voulons dégager le superflu, ôter la couche de poussière
et faire étinceler ce qui nous définit. Ce ne sont pas Facebook, la pop
anglaise, La Sexta Noche[6],
la biographie de Steve Jobs, ni les fringues Desigual qui nous unissent. Le (faux)
Vieux Port de Barcelone, les start-ups de Puerto Madero à Buenos Aires, les vitrines
de Fuencarral à Madrid, les prix flambants du Kreuzberg berlinois et les bars
hipsters de Pigalle peuvent aller se faire foutre. Nous nous habillerons mal
sans écouter le dernier cri. Personne ne nous empêchera de lire toute la nuit,
ni de rêver aux mers du Sud au beau milieu de l’hiver."
[1] « Marmite » : plat
mijoté dont la composition varie selon les régions d’Espagne et les pays
d’Amérique Latine.
[2] « Face au soleil » :
hymne de la phalange espagnole, un des emblèmes du franquisme.
[3] Un des accords économico-politiques
de la transition démocratique espagnole, signé en 1977 entre gouvernement,
partis politiques et syndicats.
[4] Quelques essais et œuvres
culinaires de Manuel Vázquez
Montalbán ont été traduits en
français, notamment : Manifeste subnormal (Christian Bourgois,
1994), Happy-End (Complexe, 1990), Les Recettes de Carvalho
(Christian Bourgois, 1996, 2013) et Recettes immorales (Le Mascaret,
1988 ; L’Épure, 2004). En espagnol et en catalan, voir : Crónica sentimental de
España, Barça Barça!, Antologia de la Nova
Cançó catalana, Crónica sentimental de la Transición, L'art de menjar a Catalunya, Decàleg
del culé, Contra
los gourmets, Cien años de canción y Music Hall.
[5] Voir l’ouvrage traduit en français
sous le titre Barcelones (Le Seuil,
2002), ainsi que Le Désir de
mémoire. Entretien avec Georges Tyras (Paroles d’aube, 1997). En espagnol : La literatura en la construcción
de la ciudad democrática, La palabra libre en la ciudad libre, Geometrías
de la Memoria.
[6] Émission d’actualité de la télévision
espagnole, depuis 2013.
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